« Je m'en fous. Mais royalement. J'y vais. » Vous avez déjà vu quelqu'un a bout de nerfs ? Moi, oui, et c'est étrange, mais cette personne a bout de nerfs n'est jamais moi. Plutôt l'espèce de truc arrogant qui me sert de sœur, qui se barre en claquant la porte dès qu'on la contrarie. Avec le temps, on s'y habitue, mais là, je ne vois vraiment pas pourquoi elle se met dans cet état. Le seul avantage a ca, c'est que je vais, moi, pouvoir partir faire un tour. Autre part qu'au théâtre j'entends. C'est vrai que c'est bien joli, que les gens y sont mon-dieu-mais-si-adooorables, mais quand c'est le seul endroit que tu fréquentes a part ton chez-toi, tu disjonctes très vite. Surtout quand tu n'as pas grand-chose a y faire. C'est vrai que depuis deux ou trois mois que nous sommes a Paris, je n'ai pas vu l'ombre d'un monument ou lieu emblématique. Depuis le temps que je veux voir l'art se faire. Mais l'art figé j'entends, celui sur des toiles. C'est décidé, je vais sortir, sans prévenir personne, c'est encore plus drôle. De toute façon, je pense pas que je me prenne un rocher sur le coin de la tronche dans le coin... Et j'ai un téléphone, chose étonnement pratique quand on sait l'utiliser. Un premier problème se pose, mon amour de grande sœur (vive l'ironie) a trouvé mes chaussures plus confortables que les siennes. Et c'est pas que ca pose problème, mais bon, je me vois mal m'enfiler les rues pieds nus. Fortes chances d'avoir l'air con. On va pas se priver,allons fouiller dans les affaires de ceux qui partagent notre vie. Tiens, je croyais qu'elle menait sa croisade 'la clope c'est mal, c'est mauvais, blabla'... Faudra qu'elle m'explique pourquoi il y a trois paquets dans son armoire. Enfin, chaussures, c'est bon. Un plan peut-être. Oh, et puis non, c'est plus le super plan pour perdre du temps qu'autre chose. Par contre, juste pour faire chier, je ferme pas la porte a clés. Comme s'il y avait des trucs intéressants a piquer de toute façon...

C'est étrange, mais j'ai toujours été confinée. Même avant, a Brest, je restais toujours a l'intérieur. Pourtant ce que ca fait du bien le soleil. Et les talons qui claquent sur la macadam, dans un rythme désordonné. Certains trouvent ca joli, moi j'ai pas d'opinion a ce niveau. C'est l'habitude peut-être de voir des trucs bien plus beau. Ce genre d'art de tout les jours, j'y suis pas vraiment sensible, a croire que je trouve pas son sens caché. Pour moi l'art, c'est pas si subjectif que ca. Vous trouverez jamais quelqu'un qui hait la Joconde par exemple. Ce qui est subjectif, c'est la perception des choses. Et ce que tu considères ou pas comme de l'art. Ça peut être un tout ou rien du tout. Enfin, moi les deux parties de mon cerveau s'accordent a dire que les peintres de Montmartre font des choses magnifiques. Fixées dans le temps, pas des danses ou des chants qui s'envolent et se perdent en un instant. C'est ce qui fait leur génie, que leur œuvre ne se perde jamais. C'est de la beauté a l'état pur, car ca n'a aucun sens caché, c'est juste ce que ca devrait être, a l'endroit parfait. Et cette façon de capturer un instant, un sourire, me fascine, peut-être plus que toutes les autres formes d'art. Captivant vraiment, on en oublie de regarder autour de soi, d'écouter ce qui se passe aussi. On est réellement absorbé par ce pinceau qui court sur la toile, par ces taches qui forment peu a peu une chose, qui deviennent intemporelles, alors qu'elles n'ont été que de pauvres instants. Un sourire, des yeux, un mouvement, tout ca est maintenant fixé pour l'éternité.
Et au fur et a mesure du regard que je porte sur ces choses, je ne me dirige plus avec mes yeux. Mon ouïe me guide peut-être vers d'autres tableaux, tous aussi beaux au moins par leur principe, mais aussi vers une musique que je connais, qu'on m'a fait écouter il y a quelques temps de ca. Une odeur de clope familière aussi. Le temps de détacher mes yeux du dernier tableau, de sourire et me voilà face a Elyan, en train de jouer un morceau d'Oasis. Ne me demandez pas de titre, j'ai toujours été une buse pour retenir ces choses là. Il ne fait attention a rien, ni aux touristes qui passent en le regardant étrangement, comme s'il gênait la tranquillité du lieux avec ses accords, ni aux gamins qui courent autour. Ça aussi c'est de l'art, mais de celui qu'on ne peut pas capturer, même si on filmait, car ce qui fait la magie de l'instant c'est cette quasi-transe qui l'anime. Je m'adosse au mur a côté, je sais de toute façon, que tant qu'il n'aura pas fini, il ne s'arrêtera pas. C'est ca pour lui la vie, sa guitare, point barre. Et je ne peux qu'avouer que si c'est ca sa vie, elle est bien belle, vu son talent, vu comment il a l'air heureux quand il se perd dans ses notes. Et je me fiche royalement qu'il ne m'ait pas remarquée, ou en tout cas pas encore, car de toutes façons, il ne remarque rien, rien d'autre que ses accords.