Ce soir, nous devions assurer. Pour la troupe mais aussi et surtout pour le public présent. Il avait payé pour en avoir plein les yeux mais également plein les oreilles, alors le moins qu'on puisse faire, c'est de faire en sorte que ce soit bel et bien le cas. Environ une semaine que nous vivions à ce rythme, une représentation tous les deux ou trois jours. A chacune d'entre elles, nous n'avions pas le droit à l'erreur. Et oui, même nous là haut, dans nôtre petite salle. Être dans ce pigeonnier, comme j'aimais à l'appeler, j'adorais cela. Pousser tous ces boutons, porter sans cesse un casque sur les oreilles, être prête à parler à n'importe qui via son oreillette, surveiller que chaque micros, chaque enceinte, fonctionnent. Sentir les murs vibrer en fonctions de la musique était un véritable bonheur. Je m'estimais d'autant plus chanceuse dans la mesure où je m'entendais parfaitement avec ma petite équipe. Et surtout avec lui. Nicolas.

Nicolas c'est le genre de garçon un peu comme moi. Vous voyez, un peu dans son monde, pas trop du genre à attirer l'attention sur lui et surtout, très bosseur. Il aime ce qu'il fait, sa se voit et de ce fait, il le fait bien. Ce qui nous différencie, c'est sans doute que lui, fait de l'humour. D'ailleurs il me pousse bien souvent à en faire de même. Depuis le temps que nous bossons ensemble sur la comédie, des liens se sont tissées entre nous, et je ne pense pas me tromper en disant que nous sommes devenus amis. Oui amis mais le fait de ressentir certaines choses en sa compagnie me dérangeait de plus en plus. Surtout que je n'étais moi même pas fichue de savoir réellement ce que je souhaitais. J'aimais être avec lui, un point c'est tout. Et puis de toute manière la question ne se pose pas. Il n'est pas libre. Il est en couple avec elle. Oui elle. Celle qui vient d'entrer en scène, qui déjà l'éblouie de toute sa prestance. Jalouse ? Peut être un tantinet, mais il fallait avouer qu'avant tout, le courant ne passe tout simplement pas entre elle et moi. Soit, abandonnant un instant des yeux la scène je me retourne vers mon collègue, en pleine concentration. C'est plus fort que moi, je lui administre un coup de coude, poussant légèrement le sien.

« Tout va bien de ton côté ? » Lui demandais-je un sourire aux lèvres, retirant mon casque d'une des mes oreilles. On avait pas toujours le temps de bavarder, normal puisque nous étions ni plus ni moins en train de travailler mais durant certains changement de scène ou autre, on en profitait. Et puis à travers ma question, je parlais du boulot justement. Même si j'étais parti, je vous l'accorde, pour le taquiner un peu.

Et oui, je ne pense pas que l'on pouvait se plaindre de mon travail, mais j'étais comme ça. Je ne pouvais rester concentré des heures durant sans ne faire de petite pause. On aurait put penser que l'entracte servait à ça mais détrompez-vous, tout le monde est bien occupé derrière le rideau. La plupart se prépare pour la seconde partie, tout en soufflant tout de même un peu et quant à nous, on vérifiait là encore que tout était bien prêt. Soit, j'étais donc légèrement en train de me dissiper, sans non plus perdre de vue ce dont j'avais à charge.
Suite à mon coup de coude, Nicolas se tourna vers moi et me répondit un sourire aux lèvres. « Oui oui et du tien? » « Oui, comme toujours. » lui répondis-je accompagné d'un clin d'œil. Voir à quel point il restait sérieux suffisait à me faire garder le sourire. Il était incroyable de tenir aussi longtemps. Il allait falloir qu'un de ses jours, il me fasse part de son petit secret. A moi que ce soit tout bonnement lié à son caractère. Et si c'est ça, c'est fichue d'avance pour moi.

« Depuis la première représentation j'ai cette petite boule au ventre, et j'ai l'impression que je vais l'avoir jusqu'à la dernière représentation. » m'avoua le brun. Je ne pouvais que comprendre son ressentiment dans la mesure où c'était un peu la même chose pour moi. Nous avons beau ne pas être sur scène, ne pas être vus du public, notre travail compte énormément et nous n'avons pas le droit à la moindre erreur sinon cette dernière ne serait que très visible et risquerait de chambouler le spectacle en lui même. Quand on pense à ce genre de chose, comment ne pas ressentir une certaine pression sur nous ? C'est inévitable. Mais dans le fond, peut être que c'est ce qui nous plais le plus. Cette adrénaline due au fait que chaque soir il faut donner le meilleur de soit même. Se dire que nous ne devons pas être bon, non, nous devons être parfaits. Au fait de savoir que nous tirons nous même plusieurs ficelles de ces représentations. « Je comprend. Je l'ai aussi mais se que je ressens à la fin, quand je vois quand à assuré, c'est vraiment que du bonheur. »

Les deux jeunes adultes avaient beau être en train d'échanger quelques mots, ils ne perdaient pas pour autant une miette de ce qu'il se passait. En effet, l'un comme l'autre jetait de furtif regard vers la scène et aux écrans leur faisant également face. Jusqu'à présent aucun incident. Tout se passait pour le mieux. Le spectacle allait sans tarder arriver à l'entracte. le moment où certes, tout le monde continue d'être occupé mais où on respire tous un peu. Surtout quand, comme ce soir, tout se passe bien.
Je me levais alors et ouvris la porte de la régie. Dans quelques minutes il y allait y avoir un monde fou à travers chaque couloir et la pièce avait besoin d'être aérée. Les machines dégageaient non seulement une chaleur étouffante mais aussi une odeur de chaud. Je profitais donc du vide des alentours avant qu'ils soient emplis. Une espèce de banquette relativement confortable été installée dans notre dos. Je ne m'assis pas dessus mais saisi mon sac s'y trouvant. En sortant une bouteille d'eau, je n'attendis pas plus longtemps pour en boire une quantité importante de son contenue. « Tu en veux ? » Proposais-je à Nicolas, tout en lui tendant déjà la bouteille.

Stoppant les pas, qu'était jusqu'alors en train de faire Nicolas, il se stoppa et saisis la bouteille que je lui tendais en me remerciant. Après avoir bu, il me la relança, semblait faire abstraction de la maladresse, qui s'emparait bien trop souvent de moi à mon gout. Je la rattrapais tout de même sans mal et la refourrais dans mon sac, tandis que mon ami continuais de marcher à travers la salle. Tout juste fus-je redressé qu'il s'arrêta et se retourna vers moi. Comme je ne m'y attendais pas et que la salle était loin d'être grande, nous étions relativement proche. « Au fait, j'ai un ami à moi qui fait se produit dans une petite salle dans le 20ème. C'est jeudi soir prochain, et comme il n'y a pas de représentation ce soir là je lui ai promis de venir. Ça te dirait de m'accompagner? » ma demanda t-il alors, avec un sourire aux lèvres. Le fait qu'il pense à moi pour ce genre de choses, me faisait réellement plaisir. Si il y a bien quelque chose qui nous rapprochait, c'était bien la musique.

Un sourire gagna mes lèvres en un instant suite à cette invitation qui ne faisait que me ravir. Non seulement car j'adorais ce genre de chose et en plus car cela venait de lui et que nous irions ensemble. « Je ne te force pas hein, si ça ne te dis pas il n'y a aucun soucis. » ajouta t-il, l'air presque légèrement gêné. Je laissé alors échapper un rire d'entre mes lèvres. « Comment pourrais-je refuser ? J'adore les indépendants et je suis toujours curieuse de découvrir de nouveaux artistes. Et puis il y a vraiment très peu de chance pour que ça ne me plaise pas. C'est quel genre de musique ? »
Oui j'aimais vraiment une multitude de musiques, de chansons, différentes mais je n'en restais pas moins curieuse.

Je savais que Nicolas, aimait bien se dégourdir un peu les jambes durant l'entracte. Je ne pouvais que le comprendre. Rester des heures durant assis n'était pas agréable surtout avec ses grandes pattes ! Pensant alors à une petite découverte que j'avais faites la veille en partant, un peu plus tard que je n'aurais dû, je lui saisi la main et l'entraina dans la couloir. Comme nous étions le plus haut possible dans la salle, il n'y avait personne. Courant presque pour ne pas gâcher le peu de temps que nous avions, je l'emmenais jusqu'à un rideau. Nous stoppant, devant son air dubitatif, je ne lâchais pas sa main et l'entraînais de l'autre côté du rideau en lançant : « Tu vas voir. »

Nous avions atterris sur une sorte de terrasse extérieure. Une partie du toit, qui avait été condamnée, mais sur laquelle nous pouvions tout même nous rendre. Oui, pour trouver ce lieu, j'avais jouer les fouineuse. J'avoue. « Je me suis dit que sa te plairai. Et puis tu as put marcher un peu plus. Dommage que nous n'ayons pas beaucoup de temps.» Prendre un si bon bol d'air frais me faisait vraiment du bien et je pensais que sa ne pouvait qu'être la même chose pour le jeune homme.

« Son rayon c'est plus le rock ancien, mais il touche quand même pleins de trucs. » Décidément, il me ravissait un peu plus à chaque détail donné sur cette soirée qui s'annonçait excellente. J’avais déjà intensément envie d’y être. Je mourrais d’envie de passer ce bon moment en compagnie de Nicolas mais aussi d’en parler ensuite des heures durant. J’étais tellement ravie d’avoir trouvé quelqu’un d’aussi passionné. Et en plus je m’entends à merveille avec cette personne. Que demander de plus franchement ? Quoiqu’il en soit, nous n’en étions pas encore là. Non, nous n’avions même pas encore terminé la représentation de ce soir.

Lorsque nous sommes tous deux arrivés sur la terrasse, la surprise semblait réussite pour mon ami. « Comment t'as fais pour trouver cet endroit? Je vais t'appeler la fouineuse désormais, mais t'inquiète pas c'est amical. » La fouineuse. Ce surnom, ne me fit que sourire d’avantage, mêlant mon rire à celui de Nicolas. C’est vrai que pour le coup, il me collait plutôt mais sinon, en terme générale, je ne pense pas qu’on pouvait me qualifier de t-elle. Mais encore une fois, dans la situation dans laquelle nous étions, j’étais forcé d’avouer qu’il était loin d’avoir tord. « Pas de souci. Et bien je suis tombé dessus par hasard un soir où je suis resté assez tard. Tout était vide et ce rideau m’a interpellé. Je n’ai pas put m’empêcher de le soulever. Se sera notre petit coin de tranquillité à présent »
De façon relativement soudaine, le rire du jeune homme fut coupé et il retira sa main de la mienne. Cette dernière était restée dans la sienne, sans même que je ne m’en rende compte, et je pense que c’était pareil pour lui. Il l’avait retiré comme si ce geste l’avait dérangé, offusqué. J’avoue que sur le moment, j’étais un peu vexé. Après tout nous sommes amis non ? Des amis peuvent bien être proches sans que la confusion ne vienne s’immiscer entre eux. J’avais beau avoir été affecté par ce geste, je reconnaissais moi-même la première, qu’il pouvait être mal jugé. Notamment si quelqu’un venait à nous voir. Soit, je tentais tant bien que mal de dissimuler ce léger malaise s’étant installé.

M’avançant un peu plus loin sur la fameuse terrasse, j’avais une vue imprenable sur une partie de la ville. Tout semblait tellement en mouvement. Et nous étions là, en haut.
Repensant alors à notre travail encore inachevé, je redescendais les pieds sur terre et interpella Nicolas. « Je suis véritablement bien ici mais je pense qu’on devrait y retourner. » Je m’étais ré avancé jusqu’à sa hauteur et de ce fait, avait à nouveau croisé son regard clair. « Si tu veux on revient après la représentation se boire un verre au calme ? » C’est ce qu’elle-même avait fait le soir de sa découverte. Elle était descendue se payer une consommation et était remonté la boire tranquillement ici. Mais, tel un éclair de lucidité, elle pensa à Tess. « Mais tu dois avoir quelque chose d’autre de prévue après je suppose. »