☛ Lien du personnage :
J’avais 16 ans lorsque je croisais pour la première fois son regard dans une salle de danse, dans mon nouvel établissement. En fait, croiser est un bien grand mot puisqu’elle ne m’avait pas remarqué, trop concentrée sur les pas de danse qu’elle était en train de faire. Ce n’était pas de la danse classique, encore moins du hip pop, ou autre danse. Non, c’était tout autre chose… En réalité, elle dansait avec un partenaire imaginaire et ça m’avait plutôt amusé. Moqueur, j’avais ri, l’arrêtant dans ce qu’elle était en train de faire et là, elle s’était tournée vers moi avec un regard noir. « Non, mais pour qui tu te prends toi ?! » J’haussais les épaules, un air malicieux sur le visage. « Tu danses en solo ? T’as pas d’amis ? » Un silence s’était installé, me laissant ressentir un certain malaise. Je l’avais blessé, j’en étais certain. « Oh moins, moi je sais danser ! » S’exclama-t-elle, pour sa défense. Ce qu’elle n’avait pas vu venir, c’est que la danse faisait partie de ma vie depuis quelques années déjà, sans que personne ne le sache. Mon père n’aurait pas supporté, trouvant que la danse était exceptionnellement fait pour les femmes, ce pourquoi je jouais au football américain jusqu’à mes 16 ans, justement, l’âge où j’ai du déménager en France, pour suivre mes parents, mon père ayant trouvé une bonne place dans ce pays où je n’arrivais pas à me faire une place. « Parce que tu crois que t’es la seule à savoir ? » Un sourire malicieux s’était glissé sur mon visage, alors que je me rapprochais de la demoiselle. Une main attrapait la sienne, alors que l’autre se plaçait sur sa taille, la collant bien contre moi. Son cœur commençait à battre terriblement fort, parce qu’elle n’était pas habituée à un tel contact ; avant moi, et elle me l’a confiée que plus tard, elle n’avait jamais été aussi proche d’un garçon qu’avec moi ce jour-là, mettant toujours une certaine distance avec ceux qu’elle côtoyait, pour ne pas être celle que l’on croit facile. Et puis, c’est vrai qu’à cet âge-là, on a tendance à penser qu’au sexe. Moi, c’était autre chose. Je partageais seulement avec elle, ma passion qu’est la danse. Pendant que je la guidais sur une danse cubaine, je croisais son regard, une nouvelle fois, mais cette fois-ci je l’avais senti plus que surprise. « Tu vois. Y’a pas que toi qui sais danser… La différence c’est que moi, j’ai toujours une cavalière. » Avais-je dis, sur un ton moqueur, en me reculant d’un pas, puis d’un deuxième, et en me tournant, me retrouvant de dos à elle. « Au fait. Moi c’est Riley. J’espère que tu te souviendras de mon prénom. » Sans que je ne le vois, un sourire s’était dessiné sur le visage de la jolie blonde. « Isleen, et tu ne peux que te souvenir de mon prénom. » Provocatrice ? Oh oui, ça elle l’était. Et c’est l’une des nombreuses choses qui m’a attiré chez elle.

Au début, nous étions que deux simples connaissances qui se croisaient dans les couloirs du lycée. L’on ne se parlait pas, mais on échangeait tout de même quelques regards, quelques sourires, sans aller plus loin. Et puis, un jour, elle est venue vers moi. Je rangeais des affaires dans mon casier, et, paniquée, elle m’interpella en me demandant une faveur. « J’ai besoin de toi. » C’était la première fois depuis une année entière à se croiser qu’elle m’adressait enfin la parole et, à dire vrai, je n’avais pas du tout vu venir ce qui allait se passer. Voyant que je ne disais rien, la jeune fille reprit la parole. « Sois mon cavalier pour le concours de danse. » A cette faveur, je n’ai pu m’empêcher de lui rire au nez. « Et puis quoi encore ? » Son regard était, soudainement, devenu moins assuré que quelques secondes plus tôt et je sentais que d’ici quelques secondes, elle pouvait me faire craquer, mais je tenais le bon bout. « Je ne danse pas en public ! » Avais-je dit, pour lui faire comprendre que c’était perdu d’avance. « Riley… Allez. Tu danses super bien ! Et mon cavalier m’a laissé tombée. » Ma curiosité me faisant défaut, je n’avais pas résisté à l’envie de lui demander la raison de ce désistement, mais je n’avais pas eu de réponse. « Très bien, alors ce sera non. » Sentant qu’en me dévoilant la raison, la jeune fille pouvait avoir ce qu’elle voulait, Isleen prit la décision de m’en dire plus. « Il a eu ce qu’il voulait. » J’en avais entendu des vertes et des pas mûres à son sujet. Isleen était considérée comme étant une fille facile, qui disait oui à tout le monde, mais je ne l’ai jamais jugée pour ça. En fait, je pense même l’avoir aidée ; d’après ce qu’elle me disait, j’étais vraiment le premier avec qui elle osait s’engager. « Rendez-vous demain soir, dans la salle de danse. »

Après ça, l’on s’entraînait tous les soirs, après les cours, afin de gagner ce concours qui importait beaucoup à la demoiselle. Je n’ai jamais profité d’elle, je pense même avoir été très respectueux. Sauf peut-être ce jour où j’ai déraillé. Ce jour J où elle était magnifique dans cette robe rouge, les cheveux relevés, les jambes légèrement dénudées lorsqu’elle tournait. J’ai craqué, oui, j’avoue. Cette jeune fille avec qui je m’étais rapproché de plus en plus, au fil du temps, me faisait perdre la tête. A la fin de la prestation, j’avais collé mes lèvres contre les siennes, lui donnant un baiser qui n’avait pas été partagé. Surprise, effrayée par ce qui venait de se passer, Isleen ouvrit les yeux en grand, sans même m’adresser un seul mot. J’aurais aimé la rassurer, lui dire que je n’étais pas là pour profiter d’elle comme tous les autres ont pu le faire, mais je n’en avais pas eu le courage.

Suite au concours que nous n’avions pas gagné, un froid s’installait entre nous. Elle m’évitait constamment, et quand je la voyais et que je l’interpellais, Isleen me lançait un regard noir et s’en allait, jusqu’à ce jour où je l’ai attrapée par le bras, l’attirant contre un casier. Cette situation n’était pas très discrète et derrière-moi, j’entendais quelques types m’encourager pour me la « faire » dont un qui s’était permis de dire que cette « salope » ne dirait pas non. Ca ne m’avait pas plu, je m’en souviens encore puisque le lendemain j’étais convoqué pour un entretien avec le principal qui m’expulsait pour une semaine entière, à cause du poing que ce type s’était pris en pleine figure ; ce genre de choses ne s’oublient pas.

N’empêche, c’est grâce à ça que j’ai pu, une semaine plus tard, avoir un sourire, bien que celui-ci montrait l’embarras de la demoiselle. L’explication de son comportement, de cette attitude distante, venait enfin. Isleen avait tout simplement peur d’être déçue, de constater que j’étais, en réalité, comme tous les autres, ces mecs qui profitaient d’elle et qui ne voulaient qu’une seule chose ; coucher avec elle. Ce n’était pas mon genre et, pour le prouver, j’ai du galérer pendant les deux années qui ont suivi. De mes 17 à 18 ans, je lui tournais autour, mais essayais de me comporter comme un simple ami. Et puis, j’ai pu avoir ma chance… Enfin, une chance. C’était une relation non exclusive qu’elle m’offrait. Moi, je me devais de me tenir à carreaux et elle… Et bien elle continuait d’aller voir ailleurs. Elle ne s’aimait pas, avait ce besoin constant de se salir, de foutre en l’air tout ce qui pouvait lui apporter du bien et, sincèrement, si elle n’avait pas arrêté, je serai parti. J’ai tout de même duré un an comme ça, sans rien lui dire ! Mais au final, j’en étais tellement malade que je lui ai demandé de faire un choix. Au début, elle m’a fait savoir qu’elle était désolée et que c’était terminé, pour, au bout de deux semaines, revenir vers moi en me demandant de pardonner ses erreurs et de lui accorder une chance. Isleen m’en a fait voir de toutes les couleurs et cette relation, tout le monde disait qu’elle était vouée à l’échec. J’y croyais, moi. J’y croyais pour dix milles personnes, mais je n’étais pas prêt à lui accorder cette chance aussi facilement. Ce pourquoi je l’ai mise à l’épreuve ; pendant un mois entier, il ne fallait plus qu’elle aille voir ailleurs, ce qu’elle avait fait en me comptant les jours par sms, ou en me les disant entre deux cours, ce qui m’avait amusé ; je la voyais déterminée, motivée, mais surtout je comprenais qu’elle tenait à moi.

C’est après ça que notre relation a pu voir le jour, plus sainement. Je l’aimais tellement que j’étais vraiment prêt à tout et n’importe quoi pour cette femme. Elle m’avait fait tourner la tête comme jamais. Notre relation a été plus facile ensuite, plus fluide. Certes, nous avions eu quelques disputes, parfois, et ça lui arrivait de me balancer des objets à la figure que j’évitais, mais au final, ça se terminait toujours par une réconciliation rapide, passionnée. Jusqu’au jour où tout a déraillé, ce jour où Cailin a inventé un mensonge, ce jour où Isleen m’a regardé comme un violeur que je n’étais pas. Cailin m’avait embrassée et m’avait avoué en pincer pour moi. Je l’avais repoussé, lui disant que j’allais demander la main de sa sœur et la jeune fille a dérapé, a inventé un mensonge ignoble que je ne lui pardonnerai sans doute jamais. Je me suis retrouvé sans le soutien d’Isleen qui s’est retournée contre moi. Je savais qu’elle souffrait, mais je savais aussi que je la dégoûtais. Je crois qu’elle a réalisé le jour du jugement que je n’étais pas coupable. Je m’étais levé, lui criant dans la salle qu’elle savait que je n’avais rien fait, que je n’en étais pas capable et juste avant de disparaître avec les policiers, je l’ai vue entrouvrir la bouche et se tourner vers sa frangine. Elle avait peut-être réalisé à ce moment-là, puisque quelques jours plus tard, elle s’était présentée à l’interrogatoire, s’excusant de ne pas m’avoir cru, les yeux mouillés. Depuis cette fois-là, je ne l’ai plus jamais revue… Ca fait un an maintenant.